Comme une goutte d'acide sur l'affaire Leprince...... |
Dans son livre Le couteau jaune, Franck Johannès bouscule l'affaire Leprince. Le journaliste du Monde sera en dédicace au Mans vendredi (1).
Un grand couteau de 27 cm, rangé dans le tiroir du garage chez Dany et Martine Leprince. Sur sa lame, deux traces de sang, deux ADN identifiés, « compatibles avec ceux de Martine et d'Audrey ». Ce couteau avait servi à Martine Leprince le vendredi 2 septembre 1994, pour tuer un cochon. Le 5 septembre, la tuerie de Thorigné-sur-Dué allait bouleverser la France entière. Comment le sang de la fillette a-t-il pu se retrouver sur ce couteau, lavé à l'eau de javel après le dépeçage du porc ?
Le couteau jaune, c'est le titre choc de ce pavé de 446 pages. Tout un symbole. Pour dire, à travers ce détail, comme Gilles Perrault dans son Pull-over rouge à propos de l'affaire Ranucci, que la justice n'a peut-être pas eu tout bon dans l'affaire Leprince. En l'occurrence, l'instruction n'avait pas relevé ce couteau et ces ADN comme un élément essentiel. Contrairement à la commission de révision, qui l'avait ajouté à la liste d'éléments bizarres à transmettre à la Cour de cassation...
On sait comment cette dernière avait balayé tous les arguments et renvoyé dans son cabinet l'avocat général lui-même, qui avait pourtant clamé « J'ai honte à ma justice ! ».
Un récit haletant
Au fil de son livre, Franck Johannès n'en finit pas de nous étonner. Avec talent et sens du suspense, il déroule la pelote du terrible scénario en le saupoudrant de fugaces commentaires, implacables et justes. Il range tous les éléments dans l'ordre, ne s'appuie que sur des faits consignés. Le journaliste du Monde fait de l'affaire Leprince un roman policier.
Mais là, c'est vrai. « J'ai écrit ce livre pour essayer de rétablir la vérité, explique-t-il. Dans cette affaire, du juge d'instruction aux gendarmes, en allant jusqu'à la cour de révision, chacun a eu le sentiment de faire son boulot. Il n'y a pas eu de complot, pas de scandale, seulement des gens qui ont fait leur métier de manière discutable. » Avec « un enchaînement qui construit une effroyable machine judiciaire, qui aboutit à une erreur catastrophique pour la justice elle-même ».
Horaires, absences de traces, témoignages... L'auteur est convaincu que la justice avait assez d'indices pour instruire un nouveau procès. Pourtant aujourd'hui, « c'est fini. Plus rien à attendre ». Sauf une conscience collective assez forte pour bousculer la grosse machine judiciaire. Est-ce encore possible ? Un recours a été déposé à la Chancellerie pour tenter de convaincre la justice...
Franck Johannès veut y croire. « Une nouvelle enquête et un nouveau procès s'imposaient sans doute. » Pour que Dany Leprince ait « enfin un procès équitable ». Sa conviction ? « En tant que citoyen, je le pense innocent. Le journaliste est plus prudent... En tout cas, il ne peut avoir commis seul tous ces crimes dans les quelques minutes que lui accorde la justice. »
Christine CORRE.
Le couteau jaune, de Franck Johannès. 446 pages, éditions Calmann-Lévy. 19 €.
(1) L'auteur sera au Mans ce vendredi 17 février. De 17 h à 18 h 30 à la librairie Doucet, avenue De-Gaulle. De 19 h à 20 h sur LMTV, en direct dans l'émission Tous azimuts.
Repères
16 décembre 1997. Le verdict de la cour d'assises de la Sarthe tombe : Dany Leprince est condamné à perpétuité avec 22 ans de sûreté.
Mars 2006. La contre-enquête menée par Roland Agret aboutit à une demande de révision, acceptée.
1er juillet 2010. Après quatre ans d'instruction, la commission de révision estime le dossier solide et le transmet à la Cour de cassation, seule habilitée à décider d'un nouveau procès. Première judiciaire : Dany Leprince est libéré avant toute décision.
6 avril 2011. La Cour de cassation rejette la demande de révision. Dany Leprince retourne en prison.
5 octobre 2011. Nicolas Sarkozy refuse sa grâce présidentielle.