Au Chêne-Pointu, des porteurs aident les habitants privés d'ascenseurs

Poussettes, sacs de courses, packs de lait ou bien de limonade: dans la cité du Chêne-Pointu, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), quatre "agents de portage" aident les habitants à gravir les étages, faute d'ascenseurs en état de fonctionner.

"Bonjour Madame. Bonjour Messieurs. Vous avez besoin d'aide?" Gilet fluorescent, sourire avenant, Nacer Belaïd, 46 ans, s'approche d'un petit groupe d'habitants portant de gros cabas en toile, au pied d'une barre d'immeuble délabrée.

Les hommes s'immobilisent, discutent un instant, avant de prendre les renseignements. "Nous sommes là pour vous accompagner. N'hésitez pas, nous sommes là plusieurs heures par jour", leur lance Nacer Belaïd, en les accompagnant à l'intérieur du bâtiment.

Embauché comme "agent de portage" par la municipalité, à raison de vingt heures par semaine, le quadragénaire arpente depuis lundi les étages de cette copropriété de dix étages, dont les ascenseurs ont été condamnés fin janvier pour des raisons de sécurité, alors que les factures non payées s'accumulaient.

"On aide tous ceux qui le souhaitent. Pour l'instant, j'ai fait une dizaine de portages, souvent au dixième étage. Il faut que les gens apprennent à nous connaître", explique l'agent de portage, qui assure ne "pas avoir mal aux jambes", malgré les multiples montées.

"Ce qu'il faut, c'est monter doucement, pour ne pas s'essouffler", confie l'un des ses collègues porteurs, Imakuisa Izakay. "Au final, ça nous fait faire de l'exercice. Et puis les gens sont contents de notre aide", s'amuse-t-il.

Devant l'entrée de l'immeuble, dépourvue de porte et de vitre, Bouzid Azoug, 70 ans, acquiesce lentement. "Les porteurs, c'est une bonne chose, surtout pour les personnes âgées. Les gens en ont vraiment marre des problèmes d'ascenseur", soupire cet habitant installé dans un appartement au dixième étage de la tour.

"Je suis diabétique, j'ai du mal à monter. A chaque fois, je dois m'arrêter pour faire une pause au 5ème étage", détaille le retraité, avant de pointer du doigt les murs couverts de graffitis, derrière lui. "Ici, rien ne va. On se plaint, mais rien ne change", déplore-t-il.

Symbole du mal-logement en banlieue, la copropriété du Chêne-Pointu, où près de 70% des familles vivent en-dessous du seuil de pauvreté, se bat depuis des années avec des problèmes en cascade: abus des "marchands de sommeil", pannes de chauffage, dégradations, et plus récemment épidémie de tuberculose.

"Les ascenseurs, c'est un problème parmi d'autres", souligne Ahmed El Hewn, étudiant en master, qui raconte avoir installé des monte-charges à l'aide de cordes et de poulies, pour pallier aux défaillances régulières des ascenseurs.

"L'arrivée des porteurs est une bonne chose. Mais il faut des solutions sur le long terme", insiste le jeune homme, installé dans un appartement situé au 7ème étage.

Pour la mairie de Clichy-sous-Bois, qui a décidé d'intervenir faute de solution au sein de la copropriété, le recours aux porteurs vise à "pallier l'urgence", en attendant de vraies solutions.

"Les ascenseurs vont être remplacés, mais les travaux vont être longs. On ne pouvait pas laisser les familles dans cette situation", explique le maire de Clichy, Olivier Klein (PS), qui précise que le système des agents de portage sera testé "durant un mois".

Et au-delà de cette phase expérimentale? "Tout dépendra des financements", souligne le maire, qui indique avoir fait une demande de subvention à l'Etat. "L'opération coûte 7.000 euros par mois à la ville. Nous ne pourrons pas l'assumer seuls".